Le VIH/Sida continue de faire des
ravages auprès de tous ceux qui ont des rapports sexuels non protégés. Le monde
compte actuellement près de 35 millions de personnes séropositives. Et dans
plusieurs pays africains dont la République Démocratique du Congo (RDC),
l'épidémie a un visage plus féminin que masculin: 58% de Congolaises étant
séropositives contre 42% de Congolais qui le sont.
Pourtant,
des mesures de prévention sont préconisées pour éviter l'infection. Les
autorités mettent notamment en avant l'abstinence, la fidélité et l'utilisation
de préservatifs. Par rapport à cette dernière mesure, outre le préservatif
masculin que l'on connaît, il y a aussi le préservatif féminin. Cependant, il
est encore méconnu des jeunes femmes qui sont le plus sexuellement actives et
donc sous-utilisé. Cela a été le constat sur le terrain durant la campagne des
16 jours d'activisme contre la violence envers le genre et qui englobe la
Journée mondiale du VIH/SIDA.
Judith
Lokwa, 28 ans, tresseuse dans un salon de coiffure à Masina, dit avoir entendu
parler du préservatif féminin. Mais elle n'a pas encore vu à quoi il ressemble.
Mais certaines de ses clientes qui le connaissent, affirment qu'il n'est pas
bien adapté: «Je salue la fabrication du préservatif féminin parce que la
protection en matière de sexualité ne doit pas rester l'apanage des hommes. Les
femmes aussi doivent prendre les devants et se protéger. Mais je regrette que
la plupart de mes clientes trouvent ce préservatif difficile à porter de par sa
grosse taille.»
Pour Chantal
Bala Lulendo, étudiante en G3 Communication à l'Université Cardinal Malula, le
préservatif féminin comporte aussi d'autres inconvénients. Elle a surtout peur
qu'une fois introduit, ledit préservatif comme celui des hommes, ne se déchire
et la rende vulnérable à une grossesse non désirée, à une infection
sexuellement transmissible ou au VIH/SIDA. Malgré les conseils et les
témoignages de ses amies et de ses aînées qui l'ont testé, elle est catégorique
: « Je préfère encore m'abstenir et demeurer fidèle envers celui qui vit avec
moi que de mettre des corps étrangers dans la partie la plus sensible de mon
corps », insiste-t-elle.
Tshioni
Andy, qui habite le quartier Kimbangu, mariée et mère de cinq enfants et qui a
complété sa famille, déclare que c'est un produit très délicat dont
l'utilisation nécessite une bonne information : « Lorsque ce préservatif n'est
pas bien placé, il peut irriter les parties intimes et causer des complications
à la femme. Je pense que le fabricant et les revendeurs devraient être plus
explicites sur le mode d'emploi de ce produit».
Pour Alain
Mboyo, vendeur au marché Mariano, au quartier Kimbangu dans la commune de
Kalamu, c'est aux femmes de faire des efforts pour s'approprier ce préservatif
féminin conçu pour elles. Généralement, poursuit-il, ce sont les hommes qui
prennent l'initiative avant l'acte sexuel. Ce qui explique que les femmes aient
du mal à négocier le port du préservatif.
Plusieurs
études menées dans certains pays africains, particulièrement ceux de la
Communauté pour le Développement de l'Afrique australe (SADC), ont révélé que
les coutumes et la culture jouent un rôle important dans les rapports entre
sexes. Les femmes surtout mariées ne sont pas en mesure d'exiger des rapports
sexuels protégés avec leurs partenaires. De plus, la pauvreté frappant plus les
femmes que les hommes, celles-ci manquent souvent de connaissances en matière
de VIH/SIDA et ne savent pas que des rapports sexuels non protégés peuvent être
nocifs pour elles. Or, dans tous ces cas de figure, l'utilisation du
préservatif féminin pourrait alors être une des solutions.
Swisse
Mwanza est prostituée et habite à Matonge, l'un des quartiers les plus animés de
Kinshasa. Swisse, âgée d'une trentaine d'années, connait bien ce moyen de
prévention des infections sexuellement transmissibles dont le VIH/SIDA et
qu'elle soit encore saine à ce jour. «Je suis prostituée et j'exerce mon métier
à la place Djakarta à Matonge, un milieu où l'on côtoie des hommes de tous
horizons. Je suis mère de famille et je suis sollicitée à tout moment. Et quand
il m'arrive de sortir avec un de mes clients, j'utilise toujours le préservatif
féminin», raconte-t-elle. Selon elle, l'utilisation du préservatif en général,
et particulièrement du préservatif féminin, aide les jeunes femmes qui ont une
vie sexuelle active à se protéger et à protéger leurs partenaires. « Si
j'utilise ce moyen de protection, pourquoi celles qui mènent une vie sexuelle
normale avec un seul partenaire ne peuvent-elles pas s'en servir aussi ? », se
demande-t-elle.
D'après
Flora Chirwisa, chargée de la planification familiale à C-Change, organisation
non-gouvernementale qui travaille pour le changement de comportements, le
préservatif féminin est un contraceptif que les femmes doivent l'utiliser. Il
n'a pas d'inconvénients et est bien adapté au corps des femmes. Par rapport à
la sensibilisation, Flora Chirwisa explique qu'elle se fait normalement dans
les centres de santé et pas à travers des médias comme certains l'auraient
souhaité.
Le Dr Aimé
Mboyo, chef de section partenariat au Programme national multisectoriel de
lutte contre le sida (PNMLS), considère que l'utilisation du préservatif
féminin est justement un des défis du PNMLS. C'est la raison pour laquelle au
niveau de ce programme, les experts travaillent d'arrache-pied sur la promotion
et la disponibilité de ce produit. Il reconnaît que les femmes sont réticentes
vis-à-vis du préservatif féminin, d'où les efforts de son organisation pour une
bonne sensibilisation au niveau national.
Un formateur
et éducateur à la Paroisse Notre Dame du Congo a constaté que plusieurs femmes
ne connaissent pas l'existence de ce préservatif et celles qui le connaissent
ne savent pas l'utiliser. Aussi propose-t-il la multiplication des publicités
et des campagnes de sensibilisation sur le préservatif féminin.
Le
gouvernement congolais et en particulier les ministères du Genre et de la
Santé, devraient inscrire cette question en priorité sur leurs agendas afin de
se conformer à l'article 27 du Protocole de la SADC sur le Genre et le
Développement, dont la RDC est signataire rappelons-le et qui demande aux Etats
membres de développer des stratégies sensibles au genre pour prévenir de nouvelles
infections.
Bibiche Mungungu, Guy Elongo, José Wakadila,
Petronelle Lusamba et Rebecca Muzama sont journalistes en RDC. Cet article fait
partie du service d'information de Gender Links qui apporte des perspectives
nouvelles à l'actualité quotidienne.
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