L’Internet
et la messagerie téléphonique (SMS) ont été coupés depuis mardi dernier en
République démocratique du Congo (RDCongo). Invité de Radio Okapi jeudi 22
janvier, l’analyste économique Al Kitenge, estime que cette décision du
gouvernement ne sécurise pas le monde des affaires, les entreprises et les
initiatives. Il parle aussi de la sécurité numérique et des conséquences
économiques de cette mesure pour les investisseurs en Nouvelles technologies de
l’information et de la communication.
Des sources
sûres de l’association des Fournisseurs Internet nous ont affirmé que le service
Internet a été coupé sur ordre du gouvernement. En tant qu’analyste, comment
voyez-vous cette décision ?
Cette
décision est purement politique mais les conséquences sont désastreuses. Il
faut savoir que le monde est en train de se numériser. Il est en train d’aller
sur Internet. Tout passe par Internet. C’est un très mauvais message qu’on
passe au monde entier et aux développeurs des technologies et des entreprises
que de couper Internet. On est en train de montrer aux gens que si vous
investissez entièrement dans les technologies, un jour ou l’autre, pour des
raisons purement politiques, on peut vous arrêter et vous perdrez énormément
d’argent. Je peux vous garantir qu’aujourd’hui, au-delà de la sécurité
physique, la sécurité numérique est quelque chose d’extrêmement importante.
Nous sommes donc très surpris de constater aujourd’hui que ça devient possible
de couper Internet et qu’on n’en mesure même pas les pertes réelles en termes
d’argent pour des entreprises et pour des initiatives.
Vous dites
que la sécurité numérique est très importante. Que voulez-vous dire par
là ?
Je voudrais
dire que les gens qui investissent dans le travail qui utilise les technologies
ont besoin de se sentir dans ce qu’on appelle la continuité d’affaires. S’ils
sont mis en insécurité par le simple fait que pour des raisons politiques on
peut stopper la fourniture, leur crédibilité vis-à-vis des tiers qui ne sont
pas au pays et qui ne dépendent pas du pays peut être quelque chose
d’extrêmement dangereux. Ça perd la confiance, la pertinence et ça nous
décrédibilise sur le plan international.
Quels sont
les secteurs de la vie qui sont touchés par cette décision des autorités du
pays ?
Tous les
secteurs sont touchés. Il n’y a pas un seul secteur où Internet n’intervient
plus. C’est vrai que nous ne sommes pas encore aussi technologiquement avancés
que certains pays du monde mais aujourd’hui Internet touche tout le monde. Ça
commence par les entreprises des télécommunications mais celles-ci ne sont que
les fournisseurs de service. Il y a aussi les secteurs bancaires, d’aviation,
de tourisme, …
Internet
c’est vaste. Il part des choses sérieuses aux loisirs. Quelles sont selon les
applications qui peuvent être épargnées et celles dont on peut se passer dans
ces genres des situations où les autorités tiennent à préserver l’ordre
public ?
Je pense que
si l’Etat n’avait pas paniqué, il aurait pu choisir de couper éventuellement
les communications individuelles et pas les communications d’entreprises. Parce
qu’aujourd’hui très malheureusement, même les entreprises sont touchées et
encore que je me pose la question de savoir la pertinence réelle de la rupture
de ces informations. Vous savez ce qui va se passer, à partir du moment où ils
vont le laisser, tout ce qui n’a pas été fait va être déversé sur la toile et
les gens auront les informations avec un peu du retard. Je ne pense que ce soit
la meilleure décision. On ne peut pas priver les gens d’une liberté
fondamentale et on ne peut pas priver les gens d’un instrument de travail.
Quelle peut
être la part d’Internet dans l’économie congolaise ?
L’économie
est caractérisée par le simple fait que rien n’est mesuré de manière formelle
et donc, je ne peux pas être en mesure de vous donner essentiellement la part
d’Internet en termes chiffrés. Mais ce que je peux vous dire ce que la
dépendance est de plus en plus importante par rapport aux Nouvelles
technologies de l’Information et de la communication. Toutes les sociétés sont
en train de devenir de sociétés utilisatrices intensives des technologies et
cela améliore énormément la capacité de ces entreprises à travailler sur place
et avec les autres du monde entier.
Au regard de
l’impact de l’Internet dans différents secteurs économiques et des services,
qu’est-ce qui peut arriver si cette coupure arrive à durer ?
Je ne crois
pas que ça va traîner davantage. Même l’Etat lui-même est tributaire
d’Internet. Il y a beaucoup de risques économiques en termes de pertes et il y
a aussi des risques sociaux. Les gens sont très agacés par cette situation.
C’est comme si on vous privait de quelque chose qui devenait une seconde
nature. Imaginez un seul instant qu’on coupe le signal voix des téléphonies.
Aujourd’hui ce n’est pas comme il y a 20 ans. Maintenant les gens vivent avec
le téléphone portable et avec l’Internet. Les couper deux jours ou trois, ça
peut encore aller mais au-delà, ça peut déboucher sur quelque chose de plus
grave et je ne crois pas que le gouvernement commettra cette erreur.
Propos
recueillis par Jocelyne Musau /Radiookapi/Congo Création Active
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