vendredi 27 mai 2011

Mode et Moeurs: Travail sexuel en RDC: l'autorité urbaine doit contrôler les «Mingando»

Cette profession, comme c'est le cas dans plusieurs capitales du monde, devrait être règlementée à Kinshasa. Dans la capitale de la RDC, on appelle ces professionnelles du sexe des «Mingando».
«Dans mon quartier, passé 18 heures, j'ai du mal à me promener avec mes enfants. Les bana nyoka (littéralement les enfants vipères et figurativement les travailleuses sexuelles plus jeunes) envahissent le trottoir. Elles sont maquillées à outrance et très légèrement vêtues pour ne pas dire presque nues», se lamente un chauffeur de taxi-bus qui règle sa ceinture de sécurité.
Une mère de famille qui a écouté ces propos, abonde dans le même sens. «Le coup de balai d'André Kimbuta, gouverneur de la ville de Kinshasa, ne doit pas s'arrêter qu'aux rues et aux lampadaires. Il doit aussi assainir la voie publique et la débarrasser de ces scènes quotidiennes d'érotisme. Trop, c'est trop. Nous en avons marre de voir l'exhibition de strings, de jeans portés sans rien en-dessous. Ces scènes dérangent les bonnes mœurs kinoises,» estime-t-elle.
Même si le travail sexuel est un métier vieux comme le monde, il mérite d'être régi par une organisation qui empêcherait qu'il connaisse des dérives. Pour la communauté, c'est une question de sécurité et de santé publique. C'est ce que pense un père de famille qui est éducateur. «Une femme ne devrait pas s'adonner au travail sexuel sans autorisation préalable de la municipalité ou des services compétents».
Son voisin qui en sait un peu plus long sur le sujet, déclare qu'à l'étranger, le métier du sexe est rigoureusement contrôlé. Les travailleuses sexuelles détiennent une carte d'identité spécifique, sont répertoriées et contrôlées par des services compétents sur le plan sanitaire.
Un fonctionnaire se souvient qu'à l'époque de «Kin la belle» ou de Léopoldville - nom que portait la capitale au temps de la colonisation belge - les professionnelles du sexe étaient sous la coupe des services de l'Etat.
«Il est dommage qu'aujourd'hui à Kinshasa, ce métier soit exercé par des homosexuels et des femmes de tous âges, sans qu'ils ne soient contrôlés», déplore un sexagénaire.
Si l'on en croit un cadre d'entreprise qui fréquente les travailleuses sexuelles, Kinshasa bat le record de la tarification du sexe à bas prix. «C'est la capitale où le sexe est le moins cher et à la portée de tout le monde. On compte des milliers de pédophiles qui sont là pour profiter des adolescentes. C'est pour cela que l'on dit Kinshasa kiese yaya, ce qui signifie Kinshasa, la joie extrême».
Un autre homme, qui a l'habitude de louer les services des travailleuses sexuelles et que l'on nomme «Papa elengi », soit «papa plaisir» ou homme qui dépense tout son argent avec ces femmes, se moque éperdument de ce que pense la société. Tout en vidant son sachet de Café Rhum, whisky local à forte teneur d'alcool, il reconnaît que les travailleuses sexuelles ont rajeuni.
Même une professionnelle du sexe veut que les autorités mettent de l'ordre au sein de ce corps de métier. En effet, Moseka qui boit un verre sur la terrasse d'un night-club de la ville, est préoccupée par le jeune âge de ses concurrentes. «Bana oyo baso bebisa mosala na
biso... », dit-elle. Ce qui signifie littéralement: «Ces adolescentes bradent notre métier.»
Moseka affirme qu'elle se fait régulièrement contrôler médicalement et qu'elle facture ses prestations à un peu plus de 100 dollars américains. Elle n'accepte pas que des filles plus jeunes qu'elle sollicitent ses clients et pratiquent de bas prix.
«Pour 400 Francs congolais, c'est-à-dire, moins d'un dollar américain, elles sont capables d'accepter un client sans préservatif», raconte Moseka qui est hors d'elle. En dépit des efforts des organismes internationaux de santé publique qui offrent des consultations médicales gratuites aux travailleuses sexuelles, tout en les encadrant dans une certaine mesure, l'autorité urbaine ne pratique pas encore la même politique.
En tous cas, elle le devrait car autrement, cette concurrence entre travailleuses sexuelles et le ras-le-bol de la population finiront par engendrer des querelles et d'autres rixes qui troubleront l'ordre et la paix publique de la capitale.
Saint Hervé M'Buy est journaliste en RDC. Cet article fait partie du service de commentaires et d'opinions de Gender Links.

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