mercredi 4 juin 2014

Mode et mœurs : Les préservatifs, ça cire aussi les chaussures


un jeu des préservatifs
A Bandundu, les organisations qui luttent contre le VIH/sida et les maladies sexuellement transmissibles sont très inquiètes. De nombreux habitants de cette ville congolaise utilisent en effet le lubrifiant des préservatifs (souvent distribués gratuitement) pour donner de l’éclat à leurs chaussures. Un détournement inquiétant.


“Réduire l’usage du condom à un simple cirage est un acte d’immaturité flagrante et un sabotage”, proteste le chef d’antenne du Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA) à Bandundu, le Dr Philémon Sikulisimwa. La pratique fait grincer des dents dans les organismes qui battent la campagne pour l’utilisation des préservatifs dans la lutte contre la propagation du VIH/sida et des infections sexuellement transmissibles. Des actions timides sont menées pour y mettre un terme, notamment auprès des groupes jugés très vulnérables en matière de propagation du sida.

L’utilisation du lu­brifiant des condoms comme cirage résulte de l’imagination d’un groupe de policiers et de militaires de la ville en formation en 2007 dans un camp militaire. “N’ayant pas de sous pour nous acheter une boîte de cirage noir, nous avons commencé à utiliser le lubrifiant des préservatifs pour cirer nos bottes”, explique, sous couvert de l’anonymat, un jeune militaire. La “découverte” s’est alors rapidement répandue dans la ville, suscitant beaucoup de curiosité auprès du reste de la population civile. D’autant que le préservatif, vendu 50 francs (0,05 euro) les trois pièces sur le marché local, paraît bien moins cher qu’une boîte de cirage (350 francs, 0,35 euro).

“C’est la pauvreté qui pousse les gens à utiliser ce lubrifiant comme cirage, surtout qu’on distribue gratuitement les préservatifs”, explique Bienvenu Mayembe, qui en fait lui-même usage. “Ça va avec les chaussures de toutes les couleurs et l’opération est simple”, affirme pour sa part un jeune du quartier Ngamilele, Christian Bakandowa.

Pour lutter contre la propagation du VIH/sida et des IST à Bandundu, on a installé des distributeurs automatiques de condoms dans divers lieux publics de la ville. Ce qui permet à de nombreuses personnes de s’en procurer facilement. D’autres s’approvisionnent dans des pharmacies. “Un jeune – qui s’est défendu d’être un obsédé sexuel – en achète tous les trois jours”, témoigne Théo Ntela. Ce vendeur de pharmacie se frotte les mains, car, dit-il, “le produit, qui se vendait assez mal, s’écoule maintenant plus vite…” Mais, si après usage certains cireurs prennent le soin de jeter les condoms dans des endroits inaccessibles, comme les fosses septiques, d’autres les abandonnent n’importe où. Des enfants s’en emparent souvent et en font leur objet de jeu, en soufflant dedans comme dans les petits ballons de baudruche. “Cela représente un danger en termes d’insalubrité et de maladie”, s’inquiète Kambusi Fofana, étudiant en sciences biomédicales au centre universitaire de Bandundu.

“Nous avons commencé à sensibiliser policiers et militaires”, indique Séverin Mitinimi, du bureau local du Programme national multisectoriel de lutte contre le sida (PNMLS).


Syfia Grands Lacs/Congo création active

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