dimanche 3 février 2013

Mode et mœurs : La Congolaise mariée toujours exposée aux risques d’infection au VIH/SIDA

VIH/SIDA, la femme plus vulnérable que l’homme…
Parmi les questions que l'épidémie du VIH/SIDA suscite, il y a celle liée à la féminisation du VIH dans le mariage en tant qu'institution en République Démocratique du Congo (RDC). On attribue à de nombreux facteurs de divers ordres cette féminisation du virus, notamment eu égard à la situation biologique de la femme qui est beaucoup plus vulnérable que l'homme. Il faut noter que le risque pour elle de se faire contaminer lors d'une relation sexuelle non protégée est plus grand, soit entre deux à quatre fois plus que l'homme, en raison de la fragilité de la muqueuse vaginale. Me Marie Louise Kapinga, avocate au barreau de Kinshasa/Gombe, affirme qu'actuellement, le mariage est mis à rude épreuve par le VIH/SIDA et surtout avec sa féminisation.
Pour mieux comprendre l'impact de cette féminisation, il faut comprendre l'importance qu'a le mariage pour les jeunes filles et femmes en RDC. Autant en Occident, que la femme soit célibataire ou mariée ne change pas son statut ou la considération qu'on lui accorde, en RDC, si.
La majorité des Congolaises rêvent de se marier un jour. Pour elles, le mariage n'est pas un contrat civil entre deux personnes de sexe différent mais équivaut à une bénédiction divine. C'est la raison pour laquelle elles se lancent dans des jeûnes et des prières pour que leurs requêtes en matière de mariage soient exaucées. Et inversement, le célibat et le concubinage sont très mal considérés et jettent le discrédit sur la famille de la fille ou de la femme dans cette situation.
Aux yeux des Congolais, le mariage constitue non seulement un signe de stabilité et de sérieux mais le simple fait qu'une fille y ait accédé signifie qu'elle a fait preuve de bonne conduite. Du coup, cela lui confère une bonne réputation. C'est même un honneur pour elle et sa famille. Paradoxalement, la société pense que la célibataire ou celle qui vit en union libre ne peut mériter ce statut de femme valable.
D'après des rapports de l'ONUSIDA, il en ressort que même si la prévalence mondiale du VIH/SIDA s'est stabilisée, le virus figure toujours parmi les causes principales de décès dans le monde et surtout la première cause de mortalité en Afrique subsaharienne.
Au début de l'épidémie, la proportion d'hommes infectés était de loin supérieure à celle des femmes. Plus de 25 ans plus tard, le VIH, à l'instar de la pauvreté, est malheureusement en train de prendre un visage de plus en plus féminin. Un taux élevé d'infections féminines est enregistré en RDC où le virus se transmet principalement par voie hétérosexuelle et souvent dans un mariage paraissant solide et stable ou dans une relation qui a l'air durable.
Ses causes sont multiples, à commencer par l'absence de dialogue sur le VIH dans le couple car parler de sexualité responsable est un tabou, l'incapacité de la femme à évoquer avec son mari la nécessité de la protéger en portant un préservatif, même lorsqu'elle est consciente qu'il a un comportement à risque. Le manque d'informations sur le VIH fait que les femmes infectées et en voie de famille, transmettent le virus à leur bébé via l'allaitement maternel.
Les guerres, avec leur cohorte de violences sexuelles, attisent aussi l'épidémie. Les longues séparations entre le mari obligé d'aller chercher du travail ailleurs et sa femme, n'arrangent pas les choses. Il faut aussi épingler l'irresponsabilité sexuelle qui fait que l'homme marié trouve normal d'avoir des partenaires sexuelles occasionnelles sans jamais penser à se protéger et par conséquent à protéger sa femme. Le statut juridique inferieur de la femme, couplé par son ignorance de ses droits, n'arrangent pas les choses. Et lorsqu'elle en est consciente, ses moyens sont limités pour y accéder et les revendiquer. L'environnement dans lequel vit la femme congolaise est loin de constituer un cadre idéal pour son épanouissement total et en particulièrement sexuel. Les pédicures et manucures faites sans les précautions d'usage peuvent exposer les femmes au VIH. L'échange d'objets tranchants tels que des couteaux lors de fêtes ou de deuils expose aussi la femme à l'infection.
En termes de lourdeurs culturelles, Jean Kabongo, notable de Bakwakalonji dans la province du Kasaï Oriental, confirme que la femme est obligée de toujours chercher à faire plaisir à son mari d'un point de vue sexuel, de peur de se voir abandonnée au profit d'une autre. C'est ainsi qu'elles procèdent parfois à l'élongation de leurs organes génitaux, à l'utilisation de certaines poudres ou de certaines plantes pour augmenter plaisir de l'homme mais aussi à des tortures comme l'excision, le tatouage, la perforation, sans tenir compte de leur vulnérabilité au VIH/SIDA.
La dot est devenue exorbitante, d'autant plus qu'elle met toujours la femme en dessous de l'homme en la rendant davantage comme un objet qu'un sujet de droit à part entière. D'autre part, elle décourage les hommes qui n'ont pas les moyens de la réunir, encourage le célibat et le vagabondage sexuel avec les conséquences que l'on sait par rapport au VIH.
Dans la plupart des cas, il y a des sociétés qui recommandent la chasteté aux filles jusqu'au mariage. Et lorsqu'elles se seront préservées jusqu'au mariage, elles se verront malheureusement contaminer par l'unique homme qu'elles aient jamais connu dans leur vie et à qui elles sont restées fidèles.
Toutes ces raisons expliquent la féminisation du VIH en RDC. Si le Protocole de la SADC sur le Genre et le Développement demande aux Etats membres de mettre tout en œuvre pour offrir des tests de dépistage et des traitements aux personnes séropositives, il faudrait que les organisations de la société civile mènent campagne en amont pour sensibiliser les hommes afin qu'ils évitent d'infecter les femmes.
Arthur Kayumba est journaliste en RDC. Cet article fait partie du service de commentaires et d'opinions de Gender Links.

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