Le congrès international des écrivains francophones a ouvert ses portes, lundi 24 septembre dernier, à l’Université de Lubumbashi (Unilu), sous le thème: «Littérature, Société et renouvellement des imaginaires». Des dizaines d’écrivains congolais et étrangers du monde francophone y prennent part, rapporte Radiookapi.
A la cérémonie inaugurale, le professeur Mukala Kadima a indiqué qu’il ne suffisait pas de célébrer la langue française, mais encore de penser à la promotion des langues locales:«Nous ne pouvons pas, même s’il s’agit de la Francophonie, oublier ce que nous sommes. Nous avons nos langues et des littératures qui se développent dans ces langues. Mais ces littératures sont occultées, cachées. Il n’y a aucun travail de promotion qui se fait.»
Mukala Kadima a appelé ses collègues écrivains à faire un effort pour sauver les littératures et les langues africaines:«J’invite ces écrivains à réfléchir sur cette problématique-là. Faisons un effort pour écrire dans nos langues, tout en continuant à écrire en français. Si aujourd’hui, on parle de l’italien comme langue, c’est du fait de la volonté d’un écrivain.»
Ce congrès est organisé par le commissariat général à la Francophonie avec l’appui du Centre Wallonie Bruxelles de Kinshasa. Il s’inscrit dans la perspective du XIVe sommet de l’Organisation internationale de la Francophonie, prévu du 12 au 14 octobre dans la capitale congolaise.
Les langues congolaises cannibalisent Voltaire
La langue française est reconnue en RD Congo comme langue officielle. Il ressort de ce fait que la majorité des Congolais l’ont acquis par apprentissage, à l’école. A ce jour, il est établi par des experts que la pratique orale en français est en forte régression en milieu professionnel, à l’école et à l’université, du fait de la préférence des langues congolaises. Comme on dit le plus souvent, la nature revient au galop quand on cherche à l’étouffer. Le réflexe de la plupart de compatriote en cas de difficulté ou des fortes émotions les poussent à recourir aux langues locales. Les sentiments d’amour, la nervosité, la prière pour plusieurs compatriotes s’expriment mieux en langue locale qu’en français.
Cette réalité est perceptible en communauté, plusieurs congolais méditent plus en langue locale qu’en français. Kinshasa en elle seule constitue un mélange des ethnies et des cultures. Les kinois sont unis dans la diversité. De fil en aiguille, les groupes sociaux s’échangent plus en langues congolaises qu’en français. Même la musique congolaise, facteur de cohésion nationale est couchée plus en langues congolaises qu’en français. Même en milieu universitaire, les cours se donnent en français. Les étudiants en groupe d’étude s’expliquent en langues locales.
A travers les médias audiovisuels, il y a plus des émissions en langues congolaises qu’en français. Particulièrement les kinois s’expriment plus en langues congolaises. Les émissions musicales la plupart sont en lingala , au détriment d’autres émissions en français.
«Le français a cessé d’être un élément de cohésion nationale et le signe distinctif des étudiants comme autrefois. Cette perception a évolué car les relations entre les groupes sociaux ne sont plus fonction du savoir. De nos jours, moult pensent que l’ascension sociale n‘est pas forcément liée à l’instruction. En conséquence, la langue se pratique de moins en moins ou de mal en pis. Et, son enseignement et son apprentissage se dégradent pour des raisons diverses. Néanmoins, si l’on considère son statut privilégié face aux langues nationales, le français n ‘est pas en danger en RD Congo. Elle demeure le véhicule de 1’enseignement à tous les niveaux, la langue d’usage dans la diplomatie, l’administration, les médias audiovisuels (70 à 60% du temps d’antenne) et en presse écrite (90%) », a constaté le professeur André Nyembwe du Centre d’Etudes des Langues et des Techniques Appliquées (CELTA) en dressant l’Etat actuel du français en RD Congo au cours d’une conférence-débat.
Pour la sécurité publique, les inscriptions sur les icônes sur la place publique doivent aussi associer des langues locales pour renseigner les usagers. Les belges en construisant les routes de chemins de fer Matadi Kinshasa a plus ou moins pensé aux populations autochtones en avertissant celles-ci en deux langues officielle et locale, en ces termes : « Route interdite - Nzila NSiku ». Dans la vie courante, l’émotion congolaise s’exprime plus en langue locale (maternelle) qu’à la langue chère à Voltaire. Au sphère des amoureux et spirituels, l’extase est plus locale que Voltaire…
Toutefois face à toutes ces considérations, l’exception confirme la règle. Il arrive parfois au moment fort de l’amour ou bien de la prière (extase et transe) que la personne touche par les sentiments suprêmes développent des langues étrangères. Tout dépend de la maman, en quelle langue, elle s’exprimait lorsqu’elle allaitait et guidait les premiers pas de son nourrisson. Que cela ne tienne, pour le professeur Mukash Kalel, il a révélé que «le français assure la protection des langues africaines à travers la création des lexiques autant que la transcription des faits culturels ».
Mais encore, il a révélé un corollaire au plaidoyer au renforcement du partenariat entre le français et les langues africaines. «Le français doit cesser d‘être la langue de l‘élite pour devenir celle de la masse. Le français fait partie de notre patrimoine culturel et immatériel comme nos langues africaines. Nous devons donc les revaloriser afin de leur permettre de jouer réellement leur rôle de partenaires » a-t-il déclaré.
Saint Hervé M’Buy
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