jeudi 1 mai 2014

Mode et mœurs : Phénomène « Kuzu » ou la sexualité au rabais


une peinture de Chéri Samba
Sous un assemblage des cartons, des tôles usées, des plaques et des reliquats des planches, des couples laissent libre cours à leurs fantasmes sexuels négociés à peu de frais. « Kuzu ». Le terme parait vide de sens pour les non initiés. Il faut se placer dans un certain contexte pour mieux décrypter le sens de ce substantif qui fait allusion à tout un phénomène de société. L’imagerie kinoise n’a pas encore fini d’innover, de créer et d’enrichir le lexique des accrocs du jargon. Aujourd’hui plus qu’hier, de nouveaux concepts naissent et avec eux, une société kinoise sans cesse en mouvement. En se mettant sous le registre de la kinoiserie, « Kuzu » fait référence à toutes ces maisons de passe qui essaiment dans la ville avec la seule particularité de n’être connus que des seuls initiés.
Dans les bas quartiers de Kinshasa où la fréquentation des hôtels appropriés relève d’une prouesse pour des gagnes-petits, ceux-ci ont fini par trouver la parade. Les « Kuzu » leur servent d’exutoire pour noyer leur appétit sexuel à peu de frais. Un abonné de ces lieux secrets raconte : «  Pour un 1000FC ou un 2000FC, je peux me taper une soirée entière avec ma partenaire ». Bonaventure Siku ne fait pas mystère sur sa présence régulière à ces endroits licencieux. A Kingabwa où il réside, il est souvent le premier à se pointer dès 20 heures devant un « Kuzu » situé sur le prolongement de la route Poids lourd. Flanqué de sa compagne d’un soir, Bona n’a généralement pas du mal à repérer le site dissimulé derrière des arbustes et des mauvaises herbes. L’endroit n’inspire pas confiance. La présence aux alentours des déchets rajoute à la saleté sans pour autant dissuader des couples surexcités plutôt obsédés par l’envie d’y aller à fond la caisse. Juste à l’entrée, un gardien monte la garde. Un assemblage des cartons, des bâches, des tôles usées, des plaques et des reliquats des planches constituent la structure de ces cabanes où le sexe est roi. Le temps de glisser la monnaie à la sentinelle et le tour est joué. Aucune lampe, aucune luminosité n’est perceptible à l’intérieur de ces cadres où fourmillent de nombreux couples. « Nous nous retrouvons souvent par dizaines. Chacun s’occupe de ses oignons. Tout est fait dans le noir. Difficile de dévisager votre voisin immédiat », confie un autre « Kuziste ».
En fait de lit, ce sont des nattes et des cartons étalés à même le sol qui tentent de palier au déficit. Les couples se plaisent pourtant dans ce décor nauséabond, confie le tenancier du lieu. Difficile de jouer à l’hypocrite dans ces lieux où le principe est de laisser libre cours à ses fantasmes, même les plus inimaginables. Même en plein ébat sexuel, les couples ont toujours l’œil rivé sur les vêtements, ou mieux, les dessous. Une main baladeuse peut toujours passer par là. On ne sait jamais. Une scène apocalyptique, sans doute qui dénote du degré de perversion qui gangrène Kinshasa. Au quartier 20 mai, précisément dans les environs du stade Tata Raphaël, les « Kuzistes » ne se comptent plus. Les « shégués », ces enfants de la rue ayant coupé le cordon ombilical avec leurs familles biologiques, ont érigé des gîtes à l’aide d’agrégats de tout ce qui est récupérable. La prostitution y est aux antipodes de la décence la plus élémentaire. Des clients ramenés vers ces « kuzu » s’en sortent souvent dépouillés de leurs biens. De Kingasani à Matete en passant par Kintambo et d’autres quartiers ambiants de Kinshasa, le phénomène fait recette. Certains proprios des terrasses se sont mis au pas. Derrière le visible se dissimule un autre monde, celui des inconditionnels du sexe qui n’ont pas besoin de confort pour faire leur récital. Les veilleurs de nuit, eux aussi, ne sont pas en reste, toujours prêts à exploiter le moindre petit espace sous leur contrôle. Des couples en quête d’un lieu discret pour assouvir leurs bas instincts recourent souvent à leur service s’ils ne disposent pas de quoi payer une chambre d’hôtel. Les gens de petite vertu ne sont pas les seuls à fréquenter ces endroits malsains qui font aussi l’affaire des hommes apparemment respectables. « Il n’y a point de sagesse en dessous de la culotte », dit l’adage.
Face au danger d’affaissement de la morale publique et surtout, du spectre de l’extinction qui plane sur toute une génération, il est impérieux que l’autorité provinciale de la ville de Kinshasa sévisse. Non seulement pour détruire ces endroits de fortune, mais aussi et surtout, pour démanteler tout le réseau qui opère dans ce business avilissant d’un autre âge.
Andema     

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