jeudi 20 juin 2013

Lecture du temps : Négoces des espaces funéraires à coup de dollars américains

Un extrait du film Olongo de la cineaste Clarisse Muvuba

Un business de type

particulier à

Kinshasa

O tempora, O mores, (Oh temps, Oh mœurs) , s’est exclamé Cicéron en son temps pour décrier les comportements pervers de la société romaine. Si hier, les familles pleuraient leurs morts à domicile. Il n’en est pas aujourd’hui. Il s’observe un business de type particulier à Kinshasa. Ce commerce consiste à l’exploitation de tout espace pouvant servir de lieu mortuaire.
Avec la promiscuité ambiante qui caractérise les quartiers populeux de Kinshasa. Les familles sont obligées de louer des espaces plus élargis en cas de deuil pour les cérémonies funéraires de leur défunt. Cette situation est consécutive aux constructions anarchiques. Les espaces libres n’existent quasiment plus de sorte qu’il devient impossible de tenir une veillée mortuaire à domicile.
L’exigüité des parcelles pousse la plupart de familles de solliciter les autorités locales pour réquisitionner des pans entiers des avenues au grand dam des passants et des automobilistes. Ces initiatives exposent souvent les invités et les membres de la famille aux délinquants. Ceux-ci, communément appelés les kuluna exigent de la famille le droit d’occupation. Et s’ils ne sont pas satisfaits de leurs préoccupations du reste non fondé, ils se rabattent sur les paisibles citoyens éprouvés. Il s’en suit des sapeurs qui se donnent rendez-vous dans ce lieu funéraires pour exhiber leurs tenues grotesques.
Ainsi pour contourner ces contraintes sociales, nombre de familles préfèrent louer des espaces libres, soit dans les enceintes des paroisses, soit des jardins de maisons communales, plus ou moins appropriés. Dans un élan un peu timide au début, cette réalité sociale s’est finalement incrustée dans le mental des kinois, comme un fait ordinaire. De ce besoin, les tenanciers de bars en ont tiré profit et autres bourgmestres ne se font pas prier pour capitaliser leurs surfaces. C’est dans cette logique que l’Ymca situe dans la commune de Kalamu a cessé d’être un haut lieu de culture, pour se muer en un site funéraire où l’on expose des cadavres.
De même que le Home Assanef dans la commune de Lingwala qui s’est investi à ce commerce. D’une part, c’est utile dans la mesure de besoin criant de la société, mais d’autre part, ces deux institutions ne peuvent pas sortir de l’essentiel de leurs missions. Ces espaces funéraires rapportent en termes de location. Pour deux jours minimum, une location se négocie autour de 300 à 400 Usd.
La rentabilité est presque assurée pour le tenancier du cadre de surcroît exempté de toute charge. Toutefois, un constat malheureux s’impose. Que ce soit à l’espace City train à Matete, ou encore dans les installations des communes (pour ne citer que ces quelques exemples), l’argent engrangé ne sert qu’à enrichir des individus sans qu’un intérêt ne soit manifesté pour la viabilité des lieux.
Outre le montant de location, les familles sont astreintes à débourser un supplément pour se procurer des chaises, ériger la chapelle ardente, acheter des allogènes, ériger des installations de fortune, etc. Cerise sur le gâteau, aucune ceinture de sécurité ne leur est garantie. Si un tel investissement est réellement juteux comme on le présente, quoi de plus normal que de viabiliser les espaces en les rendant plus appropriés et conformes aux circonstances.
Comme si cela ne suffisait pas, les hommes d’Eglise s’y sont aussi mêlés en offrant leurs paroisses aux familles explorées. On ne s’offusque plus à Kinshasa de voir une chapelle ardente érigée en pleine cour d’une paroisse, ou plus grave encore d’une école. Où va l’argent ainsi récolté ?
A tout prendre, nous pensons que l’Etat doit s’investir sur ce créneau en édictant des règles strictes susceptibles de réguler ce phénomène social. Et surtout que ces espaces funéraires font naître d’autres phénomènes connexes tel que la prostitution occasionnel, le banditisme dans les quartiers environnants. Il y a trop de laisser aller. Toutefois, en dépit de ce phénomène, certains défunts exigent de leur vivant d’être pleurés dans leur propre parcelle. Aussi simplement possible. Cela ouvre donc un autre débat d’entretenir propres les milieux de vie. On ne sait pas demain ! Le mystère de la mort.

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