lundi 18 janvier 2016

Sans ambages:Docteur Jean-Jacques Muyembe: un Nobelisable qu'on ignore ici!

Docteur JJ Muyembe Tanfum
Yambuku, 1976... Les habitants de ce petit village de la région de l'Equateur, traversé par la rivière Ebola, meurent un à un, voire par demi-douzaine, frappés par une terrible épidémie que le monde ne comprend pas très bien! Les victimes font de très fortes fièvres, vomissent du sang quand celui-ci ne coule pas des narines ou des oreilles, maigrissent sensiblement au bout d'une semaine, avant de rendre l'âme... Alors que politiques, scientifiques et journalistes s'interrogent sérieusement, un jeune chercheur se résout à descendre, le premier, à Yambuku, pour le mettre vite en quarantaine à ses risques et périls! Il s'appelle Jean-Jacques Muyembe Tamfum!

Avec son équipe qui se protège avec des moyens du bord, Muyembe commence alors par décrire les manifestations cliniques de cette mystérieuse maladie, à partir d'observations, tout en dégageant les aspects épidémiologiques, virologiques et thérapeutiques! C'est qu'on appellera plus tard Ebola, car la maladie est due à l'infection par le virus Ebola (du nom de la rivière où il a été identifié), et dont la forme la plus grave est une fièvre hémorragique à taux de mortalité très élevée. Muyembe va ensuite réussir à élaborer des mesures spécifiques de contrôle d'Ebola utilisées depuis lors pour la gestion des épidémies en Afrique. C'est pourquoi il a été appelé d'urgence récemment en Afrique de l'Ouest, fin 2014, pour aider les différentes équipes de chercheurs venues des quatre coins du monde, notamment des Etats-Unis dont le président a même nommé un conseiller Ebola, pour lui rendre compte de l'évolution de la lutte contre ce terrible fléau!
Ebola présente plusieurs souches virales différentes, avec une virulence et une dangérosité variables. Quatre souches ont été jusque-là mises en évidence, dont la plus dangereuse pour l'homme est dénommée "souche Zaïre", hautement contagieuse et mortelle! Un simple contact avec les habits du malade suffit à contracter le virus. Or, c'est la souche sur laquelle s'est penché Muyembe: il a expérimenté la transfusion du sang des convalescents d'Ebola sur 8 malades, permettant d'en soigner 7! Optimiste, il pense que ceci pourrait déboucher plus tard sur la mise en point d'une sérothérapie anti-Ebola! Ainsi, pour l'ensemble de ses travaux s'étendant sur près de 40 ans de recherche (Yambuku 1976, Kikwit 1995, Boende 2014), la Fondation Christophe et Rodolphe Mérieux a attribué, le mardi 26 mai dernier, le Prix Mérieux 2015 à l'épidémiologue congolais (photo1)! Cette distinction représente 500 mille euros dont 100 mille pour le responsable de l'équipe, à titre personnel, et 400 mille pour financer le développement des recherches!

Un couronnement international que le gouvernement ne salue pas comme il se doit, si ce n'est par une cérémonie rendant hommage au savant congolais! Il devrait l'accompagner véritablement le savant congolais en termes de finances, de logistique et de visibilité à l'échelle mondiale, pour que, demain, à l'occasion du Prix Nobel, qu'on rende à César ce qui appartient à César, et non à des chercheurs de Californie qui auront exploité ses travaux! Déjà, tous les ouvrages parlent de la première apparition d'Ebola au Zaïre, mais aucun n'évoque le professeur Jean-Jacques Muyembe! On m'avait prévenu: tant que les lions n'auront pas leurs propres historiens, les histoires de chasse continueront à glorifier le chasseur! Ce post est le point de vue du lion justement... Faites-en une large diffusion ici et ailleurs! D.M.

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