mercredi 24 juillet 2013

Mode et mœurs : Vivre normalement après un viol, c’est possible

Après l’atrocité, elles font de leur mieux pour mener une vie normale

Le Nord-Kivu est une des provinces de l'est de la République Démocratique du Congo, souvent en proie à des conflits armées alimentés par différentes milices nationales et étrangères. Celles-ci utilisent le viol et les violences sexuelles comme armes de guerre pour humilier l'ennemi, tout en lui prouvant qu'il n'est pas capable de protéger ses ressources les plus précieuses, c'est-à-dire sa femme et sa fille. Les survivantes de viols font de leur mieux pour mener une vie normale après avoir subi cette atrocité et apprennent des métiers qu'elles exercent avec beaucoup de courage, ce qui leur attire l'appréciation de leur entourage.
Les plus chanceuses d'entre elles arrivent miraculeusement à Goma, la capitale de province, pour minimiser les séquelles résultant de leurs agressions. C'est le cas de Désanges*, jeune fille de 16 ans qui a été violée en 2011 à Rushuru par les soldats des Forces Démocratiques de Libération du Rwanda. Elle était aux champs avec sa mère et sa sœur aînée quand un groupe de soldats a débarqué. Les trois femmes ont subi les assauts sexuels de ces hommes. Dix jours après, grâce au pasteur de leur église, elles ont étaient conduites à Goma où le centre Action salutaire pour le développement intégral de Goma (ASDIG) les a pris en charge. Après les avoir envoyées à l'hôpital pour une prise en charge sanitaire et psychologique, le centre leurs a appris un métier.
« A mon arrivée à l'hôpital, je m'attendais seulement à une prise en charge sanitaire. Je ne pouvais pas m'imaginer que j'en sortirais grâce à des cours de coupe et de couture », raconte Riziki*, une mère célibataire rencontrée à Healing Art, la section d'apprentissage des métiers de l'hôpital Heal Africa. Cette dernière a eu un enfant à l'issue du viol qu'elle a subi il y a deux ans dans la ville de Goma. Aujourd'hui, grâce à la prise en charge médicale, psychosociale et à la formation reçue, elle est heureuse de pouvoir gagner sa vie. « Mon enfant n'aura pas à mendier pour vivre,'' se réjouit-elle. Elle est reconnaissante au centre pour l'avoir aidée à ne plus voir la vie en noir.
Dans un autre centre d'encadrement appelé Maman Jeanne, des mineures qui avaient une base scolaire, ont pu reprendre le chemin de l'école régulière. C'est le cas d'Amina* qui est arrivée au centre à l'âge de 15 ans, après avoir été violée à Mubi, un village du territoire de Masisi à une cinquantaine de kilomètres au sud de Goma. Deux miliciens Mai-Mai se sont acharnés sur elle. Aujourd'hui, ce viol n'est plus qu'un mauvais souvenir car elle va en cours d'humanité commerciale. ‘'Mon avenir s'éclaircit'', se réjouit Amina en souriant.
« C'est dur d'avoir été violée et de subir le regard méfiant des gens par rapport au viol. Mais je crois que pour s'en sortir, il ne faut penser qu'à l'avenir et foncer'', conseille une jeune fille encadrée par l'ASDIG. Pour elle, c'est désormais possible d'envisager positivement la vie. « C'est ne pas facile dans tous les cas mais il le faut car nous ne devons pas laisser ces salauds gâcher notre vie,'' déclare Marie Biliya, formatrice à Healing Art. Elle raconte que certaines filles qu'elle a encadrées ont fini par ouvrir leur propre atelier de couture dans des villes comme Kiwanja, Nyamilima et ailleurs. Pour Marie Biliya, quand elle se rend dans ces villes, elle a des échos favorables par rapport aux travaux de ces filles qui contribuent au développement. Elle ajoute que ceux qui se moquaient de ces filles parce qu'elles ont été violées deviennent leurs plus grands clients car ils voient que celles-ci ont un métier qui rapporte et qu'elles sont utiles à la société.
Bien que ces initiatives soient de nature privée, elles contribuent à faire la RDC se conformer aux dispositions du Protocole de la SADC sur le Genre et le Développement qui demandent notamment de tout mettre en œuvre pour réhabiliter les survivantes de violence basée sur le genre.

* Noms fictifs

Evelyne Luyelo est journaliste en RDC. Cet article fait partie du service de commentaires et d'opinions de Gender Links/Congo création active

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