jeudi 25 avril 2013

Lecture du temps : 24 avril 1990 - 24 avril 2013 : 23 ans de démocratie de façade

Mobutu Sese Seko
Depuis la 2ème République jusqu'à ce jour, le pays a tendance à renouer avec la pensée unique...

Le 24 avril 1990 reste une date inoubliable dans l'histoire politique de l'ex-Zaïre. Suite aux nombreuses pressions exercées aussi bien de l'extérieur que de l'intérieur du pays, le président Mobutu Sese Seko, qui dirigeait le pays d'une main de fer depuis près de 25 ans, s'est vu obligé de libéraliser les activités politiques en annonçant le multipartisme, consacrant ainsi la fin du régime monolithique et du Mouvement populaire de la révolution (MPR) en tant que parti unique au Congo-Kinshasa.

Si Mobutu a été contraint par la pression de la rue et par l'Occident de s'adapter à l'évolution du monde et  démocratiser le pays, la souffrance et la misère de la population avaient déjà atteint un niveau tel qu'on n'était pas loin d'une révolution à l'égyptienne ou à la tunisienne.
Inflation galopante, injustice dans les parquets, les cours et les tribunaux, intolérance politique, arrestations arbitraires, enlèvements, exécutions sommaires,  non respect de droits de l'homme, taux de chômage élevé, salaires misérables, insécurité physique (hiboux) et sociale… tout était réuni pour que les Zaïrois de l'époque vomissent leurs dirigeants.
Mobutu qui, de son vivant, n'avait imaginé un seul instant qu'il y aurait d'autres partis politiques concurrents au MPR sous son règne (parti bo moko), a vu les choses se précipiter contre sa volonté. « Comprenez mon émotion ! », a-t-il avoué devant les cadres et militants de son parti à la N'Sele le 24 avril 1990.
Le premier parti à s'annoncer fut l'Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) d'Etienne Tshisekedi, une formation politique qui a longtemps travaillé dans la clandestinité. Ce parti a aussitôt attiré la sympathie d'une frange très importante de la population congolaise meurtrie, clochardisée et réduite au néant, pour chasser le régime dictatorial mis en place depuis le 24 novembre 1965.
Grâce à ce parti, le Zaïre a organisé la conférence nationale souveraine, malgré ses péripéties. Plusieurs exilés politiques ont regagné le pays pour mener la lutte ensemble.
Beaucoup d'autres formations politiques ont vu le jour, avec un seul objectif de se libérer du carcan de Mobutu.
Le vent de la démocratie a obligé le maréchal Mobutu de se retirer de la ville de Kinshasa pour se réfugier dans sa province natale de l'Equateur, loin de toutes les pressions psycho-politiques.
Terrassé par la maladie, Mobutu a été surpris par la guerre de l'AFDL (Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo) menée par la coalition rwando-ougando-angolaise, baptisée AFDL, avec à sa tête le Congolais Laurent-Désiré Kabila.
Le 17 mai 1997, fatigué par la maladie, Mobutu a quitté le pouvoir en prenant fuite pour ne plus revenir sur la terre de ses ancêtres, alors que la démocratie décrétée n'était encore pas effective.

L'AFDL enfonce le clou
Soutenue aussi bien par les voisins de la RDC que par l'ensemble de la population congolaise, l'AFDL a bouté dehors, haut la main, Mobutu et son armée. Autoproclamé président de la République, Laurent-Désiré Kabila a aussitôt suspendu toutes les activités politiques sur l'ensemble du territoire national. Un coup dur à cette démocratie en gestation.
Des personnalités politiques ont été arrêtées et jetées dans les prisons, aucun parti politique ne pouvait fonctionner, à l'exception de l'AFDL. Etienne Tshisekedi, celui-là même qui a affaibli la dictature de Mobutu de l'intérieur, a été relégué à Kabeya Kamwanga, son territoire d'origine, dans la province du Kasaï Oriental.
La situation est devenue pire qu'à l'époque de la deuxième République. Après une année d'exercice de pouvoir, LD Kabila a dû faire face à une guerre déclenchée contre lui par les Armées du Rwanda et de l'Ouganda sous couvert de la pseudo rébellion du RCD. Ces deux pays l'avaient pourtant aidé à accéder au pouvoir à Kinshasa. Il sera assassiné trois ans et 8 mois seulement après son accession au pouvoir.
Le chaos
Après la mort de LD Kabila, l'architecture gouvernementale 1+4 a vu le jour. Tous les belligérants se sont mis d'accord lors du dialogue intercongolais en Afrique du Sud pour former, en 2003, un gouvernement d'union nationale et conduire le pays vers les élections démocratiques en 2006, après trois ans de transition.
Pendant cette période, la situation de la démocratie était quelque peu encourageante, malgré quelques dérapages constatés ça et là, comme l'interdiction faite aux  militants de l'UDPS de manifester contre la prolongation de la transition après les accords de Sun City.
Depuis les élections de 2006 jusqu'à ce jour, la démocratie est foulée au pied par le régime au pouvoir, malgré des libertés apparentes observées dans certains secteurs.
Aujourd'hui, l'Opposition ne peut pas organiser des manifestations, pacifiques soient-elles, alors que la constitution lui garantit cette prérogative. Dans chacune de ces expressions populaires, on déplore des cas d'enlèvements, tortures, arrestations et autres traitements dégradants.
La justice, supposée être indépendante, est au service du régime. L'Assemblée nationale est une véritable caisse de résonnance du gouvernement. La police, l'armée et les services de sécurité sont dans la même situation. L'administration publique est politisée. Bref, on tend vers une pensée unique.

Museler l'Opposition

Personne n'aurait cru qu'après 23 ans de pluralisme en République démocratique du Congo, les Congolais seraient à ce stade embryonnaire de la démocratie. Comme à l'époque de la dictature de Mobutu, l'Opposition tend vers son musèlement, si pas son anéantissement.
Les opposants les plus faibles sont « achetés » par le pouvoir. Les plus résistants sont jetés en prison ou muselés. Les cas d'Etienne Tshisekedi qui est assigné à résidence depuis plus d'une année, de Gabriel Mokia, de Jacques Chalupa ou encore de Kutino Fernando,  en disent long. Ils sont victimes de leurs prises de position politique.
Aujourd'hui encore, Eugène Diomi Ndongala, porte-parole de la Majorité présidentielle populaire (MPP) et président national de la Démocratie chrétienne (DC), est victime d'un acharnement politique qui ne dit pas son nom. Enlevé en juin 2012 et relaxé en octobre de la même année, il vient à nouveau d'être coffré au à la prison de Makala à Kinshasa pour un grossier montage d'une présumée affaire de viol sur deux mineures.
Faute de preuves, la Cour suprême de justice décide de le placer en résidence surveillée, mais le procureur général de la République s'y oppose. Un manquement grave contre l'ordonnance de la haute cour.
En outre, des innocents inondent des prisons entières à travers la République démocratique du Congo sans cause, alors que les coupables circulent librement en toute quiétude, dans l'impunité la plus totale. Néanmoins, on observe une légère avancée dans le secteur des médias où plusieurs émissions sont diffusées avec des points de vue opposés des invités, sur différentes questions d'actualité.


Lefils Matady

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire