Qui aurait cru qu'un jour les violences sexuelles seraient érigées en crime contre l'humanité en République Démocratique du Congo et qu'elles seraient concrètement punissables? En tout cas, aucun Congolais n'aurait répondu à cette question par une affirmation. Du moins jusqu'à tout récemment.
Ce qui se passe actuellement sur le terrain est révélateur de changements. Il est vrai que la Constitution du pays condamne les violences sexuelles en disant qu'elles sont un crime contre l'humanité et qu'elles seront par conséquent sévèrement punies par la loi.
C'est plus précisément l'article 15 de cette loi suprême qui en fait état: "Les pouvoirs publics veillent à l'élimination des violences sexuelles. Sans préjudice des traités et accords internationaux, toute violence sexuelle faite sur toute personne, dans l'intention de déstabiliser, de disloquer une famille et de faire disparaître tout un peuple, est érigée en crime contre l'humanité punie par la loi".
Le hic est que jusqu'ici, cette disposition n'était pas appliquée. Aujourd'hui, elle est en train de l'être. On constate de plus en plus que le mur du silence qui pesait sur les violences sexuelles, est en train de s'écrouler. Le travail en profondeur des organisations non gouvernementales des droits de l'Homme apportent des résultats patents. A la grande satisfaction de la population congolaise.
Chaque jour a lieu à Kinshasa, capitale de la RDC, des ateliers de travail, des colloques et d'autres formations destinés non seulement à dénoncer les violences sexuelles faites aux femmes et aux jeunes filles mais aussi à faire des plaidoyers en faveur de ces victimes de violations de droits de l'Homme.
La dernière manifestation en date est un atelier de plaidoyer pour la promotion de l'égalité du genre et de lutte contre les violences basées sur le genre auquel ont pris part les femmes députées et ministres, membres du Réseau de femmes africaines ministres et parlementaires de la RDC (Refamp).
Ouvert par Marie Ange Lukiana, ministre du Genre, de la Famille et de l'Enfant, en sa qualité de la présidente de Refamp, cet atelier se voulait un cadre d'échanges pour doter les participantes d'outils juridiques nécessaires en vue d'une mise en œuvre efficace des mesures de lutte contre les violences basées sur le genre et garantir la promotion de la parité, en particulier au sein des institutions provinciales. Grâce à cette formation, les femmes députées et parlementaires ont eu une meilleure compréhension sur le genre et les violences basées sur le genre.
Il ne faut pas oublier qu'en août 2009, la RDC a signé le Protocole de la Communauté de Développement de l'Afrique australe sur le genre et le développement qui demande entre autres choses que d'ici 2015, tous les gouvernements mettent tout en œuvre pour réduire de moitié les taux de violence basée sur le genre.
Des procès contre les auteurs de violences sexuelles
Le deuxième fait marquant est qu'au-delà des formations et autres campagnes de sensibilisation, la population congolaise assiste même aux procès contre des auteurs des violences sexuelles. Chose qui était inimaginable autrefois en RDC. Aujourd'hui, ces auteurs de violences sexuelles qui ont sévi surtout dans les provinces à l'est du pays qui étaient marquées par les guerres à répétition, subissent la rigueur de la loi.
Par exemple, à Rusthuru au Nord-Kivu, la cour militaire a condamné deux officiers et un colonel en fuite aux lourdes peines pour crimes contre l'humanité. Même fait dans la province orientale où le procès tant attendu des miliciens Maï-Maï qui ont violé 137 femmes vient d'être ouvert.
L'implication personnelle de l'épouse du chef de l'Etat, Olive Lembe Kabila, dans cette lutte contre les violences sexuelles, apporte une autre dimension à la lutte contre les violences sexuelles. Au cours du lancement de la campagne nationale contre les violences sexuelles et l'impunité à Kinshasa dont le thème était "Le viol de notre ressource la plus précieuse. Pouvoir aux femmes et filles de la RDC", la directrice-ajointe du chef de l'Etat, Marie Louise Kasende Mayuma, parlant au nom de l'épouse du Chef de l'Etat, a souligné que son bureau a reçu plus de 5000 lettres de femmes dénonçant les violences dont elles ont été victimes.
Cette campagne nationale a pris forme à la suite de la mission qu'Eve Ensler, écrivaine et artiste américaine, a effectuée à l'Est de la RDC. Si du point de vue national, elle vise à amener la société congolaise à reconnaître le statut et la valeur de la fille et de la femme dans la société, dans la communauté et dans la famille, conformément à la Constitution du pays, au niveau international par contre, elle constitue un instrument de plaidoyer en faveur de la Congolaise, victime de toutes sortes de violences.
Elle vise aussi à pousser les autorités à prendre des mesures efficaces pour mettre fin à l'impunité et conscientiser le monde entier sur les violences commises contre les femmes et les filles en RDC et sur leurs effets dévastateurs sur leur santé physique et psychique.
Eu égard à toutes ces actions, on peut soutenir que la tolérance zéro est devenue effective en matière de lutte contre les violences sexuelles en RDC. Le gouvernement et les organisations de défense de droits de l'Homme s'accordent à dire que les violences sexuelles ne doivent plus demeurer impunies.
Au cours d'une mission de quelques jours en RDC, la secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton n'a fait qu'enfoncer le clou sur cette question au cours d'une interview accordée à la Radio Okapi. "Nous assistons malheureusement vers la fin du 20ème siècle à une tendance horrible qui est celle d'utiliser les violences sexuelles comme arme de guerre pour intimider et démoraliser les populations et les forcer à fuir leurs maisons. Je pense que ceci exige des efforts concertés de la part du gouvernement congolais et des autres gouvernements de la région. Les organisations non-gouvernementales et la société civile devront également être associées à ces efforts visant à empêcher les militaires congolais à se livrer aux violences. Ensuite, il faudra décourager toute impunité, quelle que soit sa forme", a-t-elle affirmé.
Toutefois, si les violences sexuelles commises pendant les guerres par les forces belligérantes sur le terrain sont aujourd'hui réprimées, un autre coin du voile n'a pas encore été levé. Il s'agit des violences domestiques et conjugales. Sur cette question, la majorité des victimes sont muettes.
Combien de femmes sont quotidiennement battues par leurs partenaires dans le silence le plus total? Combien d'entre elles subissent des relations sexuelles contre leur gré? Combien de femmes qui travaillent vivent le harcèlement sexuel? Les statistiques sont imprécises sur ces sujets. L'on sait seulement à travers la dernière enquête démographique et de santé datant de 2007 que presque trois quarts des Congolaises, soit 71%, ont été confrontées à un moment donné à des actes de violences tant physiques, émotionnelles que sexuelles au sein de leur foyer.
Voilà un autre type de violence sur lequel il faudrait se pencher car il y a fort à parier qu'il y a de nombreuses femmes qui y jouent leur vie. Pour mettre fin à toutes ces formes de violences, l'éducation est une condition sine qua non. Déjà dans la famille, il faut apprendre au garçon que la fille qui est à ses cotés est sa sœur qu'il doit chérir, tout comme il doit apprécier sa mère et sa femme. Voilà un autre champ à défricher pour les organisations de la société civile...
Blandine Lusimana est journaliste en RDC. Cet article fait partie du service de commentaires et d'opinions de Gender Links.
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