Un des symboles de la souveraineté aliéné
Les piliers du monument de l’échangeur de Limété au centre de la ville de Kinshasa servent depuis peu de panneaux publicitaires. Ce énième marché des gestionnaires de la ville a été apprécié diversement par les bonnes consciences. Un mini-sondage d’opinion effectué à cet effet, a été révélateur d’un sentiment de frustration qui habite nombre de compatriotes de voir que ce symbole de la souveraineté, édifice de fierté nationale à l’instar du drapeau, soit banalisé en un panneau publicitaire. Deux tendances ont émergé dudit sondage.
Pour les uns, en effet, l’administration urbaine doit générer des recettes pour faire face à son programme quinquennal. Ceux qui voient les choses ainsi, sont d’avis que la publicité étant apolitique et générateur des revenus, ce qui est susceptible de déranger, ce n’est pas l’endroit où est placé le message, mais le contenu. De la sorte, soutiennent-ils, même le bâtiment de la radiotélévision nationale pourrait servir à cet effet, pourvu que l’argent ainsi produit soit canalisé raisonnablement et honnêtement.
Quand la publicité aliène les symboles de la souveraineté
Le sondage d’opinion a révélé, par ailleurs, que les symboles de souveraineté sont, dans un pays, inaliénables. Ce sont des endroits considérés comme dans l’antichambre de l’Etat et à la place d’honneur, et qu’un détenteur de capitaux soit-il délégué de multinationales ne devrait marcher dessus en imposant ses marques publicitaires. En RD Congo, outre le drapeau national, le monument de l’échangeur de Limete, la concession du Palais du Peuple, le siège de la magistrature, la cité de l’OUA, la stèle de la N’Sele, le Pont Maréchal, les mausolées respectivement de feus les présidents Joseph Kasa Vubu et Laurent Désiré Kabila et du Premier ministre Patrice Emery Lumumba surmontés chacun de leurs monuments. « C’est contre toute attente qu’un de ces lieux de mémoire et de fierté nationale, considérés comme symboles de souveraineté serve de fond à quelque enseigne publicitaire. En France, des banderoles publicitaires n’envelopperaient ni la tour Eiffel ni les piliers de la place de la Concorde. Sauf, bien entendu, quelque concession particulière et, en cas de quoi, le maire de la Ville prendrait le soin d’en expliquer les mobiles à ses administrés, pouvoir par et pour le peuple oblige », a soutenu un observateur. Et un autre d’ajouter : « A ce niveau, le débat ne fait que commencer. Car après les piliers du monument de l’échangeur de Limete, les annonceurs pourraient imposer leur volonté pour envelopper demain de leurs banderoles publicitaire la grille de la concession du Palais du Peuple et pourquoi pas le siège d’une autre institution. S’étant rendus compte que tout peut passer à coup de pognon, porosité de gouvernance oblige, ils pourraient solliciter tel marché à l’un des mausolées des mémoires d’Illustres que comprend la Ville », a-t-il dit.
Un père de famille, las de côtoyer ce qu’il qualifie de gouvernance affairiste de l’étendue urbaine, a exprimé son point de vue dans un style comparatif : Pourquoi les visiteurs n’accèdent-ils pas d’ordinaire à nos chambres à coucher, que nous soyons dans un ménage ou que nous vivions en situation de femme ou d’homme seuls ? C’est par civilité, par égard pour ces lieux de retrait situé au centre de toute existence humaine en situation normale. Le Créateur même n’a-t-il pas inspiré la tanière au lion et à l’oiseau le nid ? De même, il ne faut pas donner l’impression aux commerçants et aux représentants locaux de multinationales que nous avons tellement besoin de maximiser les recettes que nous pouvons leur céder même notre espace aérien, pour qu’ils en fassent un haut lieu de publicité. « A toute fin utile, il faut préserver la dignité nationale », renseigne un adage nord coréen, repris dans la brochure contenant et intitulé : « les idées de Jutché » , a-t-il relevé.
MKB , Cp
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