dimanche 18 janvier 2015

Mode et mœurs : VIH/SIDA en RD Congo : Le préservatif féminin encore sous-utilisé



Le VIH/Sida continue de faire des ravages auprès de tous ceux qui ont des rapports sexuels non protégés. Le monde compte actuellement près de 35 millions de personnes séropositives. Et dans plusieurs pays africains dont la République Démocratique du Congo (RDC), l'épidémie a un visage plus féminin que masculin: 58% de Congolaises étant séropositives contre 42% de Congolais qui le sont.
 
Pourtant, des mesures de prévention sont préconisées pour éviter l'infection. Les autorités mettent notamment en avant l'abstinence, la fidélité et l'utilisation de préservatifs. Par rapport à cette dernière mesure, outre le préservatif masculin que l'on connaît, il y a aussi le préservatif féminin. Cependant, il est encore méconnu des jeunes femmes qui sont le plus sexuellement actives et donc sous-utilisé. Cela a été le constat sur le terrain durant la campagne des 16 jours d'activisme contre la violence envers le genre et qui englobe la Journée mondiale du VIH/SIDA.
Judith Lokwa, 28 ans, tresseuse dans un salon de coiffure à Masina, dit avoir entendu parler du préservatif féminin. Mais elle n'a pas encore vu à quoi il ressemble. Mais certaines de ses clientes qui le connaissent, affirment qu'il n'est pas bien adapté: «Je salue la fabrication du préservatif féminin parce que la protection en matière de sexualité ne doit pas rester l'apanage des hommes. Les femmes aussi doivent prendre les devants et se protéger. Mais je regrette que la plupart de mes clientes trouvent ce préservatif difficile à porter de par sa grosse taille.»
Pour Chantal Bala Lulendo, étudiante en G3 Communication à l'Université Cardinal Malula, le préservatif féminin comporte aussi d'autres inconvénients. Elle a surtout peur qu'une fois introduit, ledit préservatif comme celui des hommes, ne se déchire et la rende vulnérable à une grossesse non désirée, à une infection sexuellement transmissible ou au VIH/SIDA. Malgré les conseils et les témoignages de ses amies et de ses aînées qui l'ont testé, elle est catégorique : « Je préfère encore m'abstenir et demeurer fidèle envers celui qui vit avec moi que de mettre des corps étrangers dans la partie la plus sensible de mon corps », insiste-t-elle.
Tshioni Andy, qui habite le quartier Kimbangu, mariée et mère de cinq enfants et qui a complété sa famille, déclare que c'est un produit très délicat dont l'utilisation nécessite une bonne information : « Lorsque ce préservatif n'est pas bien placé, il peut irriter les parties intimes et causer des complications à la femme. Je pense que le fabricant et les revendeurs devraient être plus explicites sur le mode d'emploi de ce produit».
Pour Alain Mboyo, vendeur au marché Mariano, au quartier Kimbangu dans la commune de Kalamu, c'est aux femmes de faire des efforts pour s'approprier ce préservatif féminin conçu pour elles. Généralement, poursuit-il, ce sont les hommes qui prennent l'initiative avant l'acte sexuel. Ce qui explique que les femmes aient du mal à négocier le port du préservatif.
Plusieurs études menées dans certains pays africains, particulièrement ceux de la Communauté pour le Développement de l'Afrique australe (SADC), ont révélé que les coutumes et la culture jouent un rôle important dans les rapports entre sexes. Les femmes surtout mariées ne sont pas en mesure d'exiger des rapports sexuels protégés avec leurs partenaires. De plus, la pauvreté frappant plus les femmes que les hommes, celles-ci manquent souvent de connaissances en matière de VIH/SIDA et ne savent pas que des rapports sexuels non protégés peuvent être nocifs pour elles. Or, dans tous ces cas de figure, l'utilisation du préservatif féminin pourrait alors être une des solutions.
Swisse Mwanza est prostituée et habite à Matonge, l'un des quartiers les plus animés de Kinshasa. Swisse, âgée d'une trentaine d'années, connait bien ce moyen de prévention des infections sexuellement transmissibles dont le VIH/SIDA et qu'elle soit encore saine à ce jour. «Je suis prostituée et j'exerce mon métier à la place Djakarta à Matonge, un milieu où l'on côtoie des hommes de tous horizons. Je suis mère de famille et je suis sollicitée à tout moment. Et quand il m'arrive de sortir avec un de mes clients, j'utilise toujours le préservatif féminin», raconte-t-elle. Selon elle, l'utilisation du préservatif en général, et particulièrement du préservatif féminin, aide les jeunes femmes qui ont une vie sexuelle active à se protéger et à protéger leurs partenaires. « Si j'utilise ce moyen de protection, pourquoi celles qui mènent une vie sexuelle normale avec un seul partenaire ne peuvent-elles pas s'en servir aussi ? », se demande-t-elle.
D'après Flora Chirwisa, chargée de la planification familiale à C-Change, organisation non-gouvernementale qui travaille pour le changement de comportements, le préservatif féminin est un contraceptif que les femmes doivent l'utiliser. Il n'a pas d'inconvénients et est bien adapté au corps des femmes. Par rapport à la sensibilisation, Flora Chirwisa explique qu'elle se fait normalement dans les centres de santé et pas à travers des médias comme certains l'auraient souhaité.
Le Dr Aimé Mboyo, chef de section partenariat au Programme national multisectoriel de lutte contre le sida (PNMLS), considère que l'utilisation du préservatif féminin est justement un des défis du PNMLS. C'est la raison pour laquelle au niveau de ce programme, les experts travaillent d'arrache-pied sur la promotion et la disponibilité de ce produit. Il reconnaît que les femmes sont réticentes vis-à-vis du préservatif féminin, d'où les efforts de son organisation pour une bonne sensibilisation au niveau national.
Un formateur et éducateur à la Paroisse Notre Dame du Congo a constaté que plusieurs femmes ne connaissent pas l'existence de ce préservatif et celles qui le connaissent ne savent pas l'utiliser. Aussi propose-t-il la multiplication des publicités et des campagnes de sensibilisation sur le préservatif féminin.
Le gouvernement congolais et en particulier les ministères du Genre et de la Santé, devraient inscrire cette question en priorité sur leurs agendas afin de se conformer à l'article 27 du Protocole de la SADC sur le Genre et le Développement, dont la RDC est signataire rappelons-le et qui demande aux Etats membres de développer des stratégies sensibles au genre pour prévenir de nouvelles infections.
Bibiche Mungungu, Guy Elongo, José Wakadila, Petronelle Lusamba et Rebecca Muzama sont journalistes en RDC. Cet article fait partie du service d'information de Gender Links qui apporte des perspectives nouvelles à l'actualité quotidienne.


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