Certains directeurs et enseignants de Kindu, au Maniema (à l’Est de la RD Congo), font travailler leurs écoliers chez des particuliers pendant les heures des cours. Sous prétexte d'autofinancer leurs établissements, ils en profitent surtout pour se remplir les poches. Les Ong de défense des droits de l'enfant s'apprêtent à les traîner en justice.
"Mon enfant a été mordu par un serpent pendant les heures des cours", se plaint Thérèse Lukale, une mère d’écoliers de Kindu, chef-lieu de la province du Maniema à l'est de la RD Congo. Il transportait des briques pour un particulier sur ordre d'un enseignant", dénonce-t-elle. D’autres écoliers sarclent des parcelles privées au lieu d’être en classe. Les récalcitrants s’exposent à des sanctions. "Ceux qui refusent ces travaux sont fouettés le lendemain matin", se plaint une gamine de neuf ans, inscrite en troisième année primaire. Comme d'autres chefs d’établissements, Amundala, le directeur adjoint de l’école primaire Atoko, dans la périphérie de Kindu, affirme que ces travaux manuels "sont des activités parascolaires acceptées par le règlement".
Les enseignants avec la complicité de leur directeur qui a été payé par des privés mettent à la disposition de ceux-ci des écoliers. "Dans les écoles implantées au village, ce sont les travaux champêtres qui priment : les écoliers passent plus d’heures au champ qu’en classe", dénonce Yafa Nalenge, un parent. Le vendredi et le samedi sont désormais des jours de travail à l'extérieur pour ces écoles. "J’ai menti au directeur, poursuit ce parent. Pour éviter que mon enfant transporte des briques : j’ai avisé son enseignant qu’il est maladif, inapte à faire ces travaux pour l’école." Mal informés, les parents ignorent les droits de leurs enfants et comment les faire respecter. Certains croient à tort que ces travaux manuels sont inscrits dans le programme scolaire. "Quand je voyais ces enfants travailler, je pensais que c'était dans le cadre des travaux manuels qu’ils font chaque semaine", reconnaît Wambisi Nalenge, un autre parent d’élèves.
Financer les écoles ou les enseignants ?
Pour Milanga Tabanabusoga, directeur titulaire de l’école primaire Atoko, ces travaux payés constituent un moyen d’autofinancement de l’école. Des directeurs d'école primaire de quartiers éloignés du centre-ville reconnaissent qu’ils proposent leurs écoliers aux particuliers comme main-d’œuvre. "Ces patrons nous paient 7 000 FC (7,77 $) par tas de 100 briques cuites transportées par les écoliers du four au chantier de construction", précise-t-il. Cet argent sert à autofinancer nos écoles…"
En fait, pour les directeurs comme pour les enseignants, faire travailler les écoliers est une occasion à ne pas rater. "Impayés, nous utilisons tous les moyens pour gagner ces petits sous", déclare l'un d'eux, qui garde l’anonymat. "Lorsque votre enfant est hospitalisé et qu’en même temps vous n’avez pas à manger pour les autres enfants", explique un autre enseignant, avec un salaire de 35 000FC (38 $ US) par mois, vous ne pouvez pas négliger cette opportunité", ajoute-t-il.
Certains directeurs d’école nient les faits. "Je ne sais pas pourquoi les ONG veulent s’occuper de ces cas, interroge le directeur de l’école primaire Luka. Nous ne faisons pas travailler les enfants ici à l’école. Ils viennent pour étudier. Nous avons nos salaires chaque fin du mois."
Cette situation préoccupe les Ong locales qui cherchent à protéger les droits des enfants. L’Ong Haki za Binadamu (Droits de l’homme : ndlr) a dénoncé ces abus à plusieurs reprises dans des communiqués de presse pour diffusion aux radios et alerté surtout les autorités locales, rappelle Raphaël Upelele, son coordonnateur. "Comme notre voix n’a pas été entendue, ajoute-t-il, nous comptons poursuivre en justice les directeurs d’école qui continuent cette pratique que la loi portant protection de l’enfant interdit."
Chadrack Tambwe
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