II est 19 heures 30’ au Camp Kauka un des quartiers de la commune de Kalamu, alors qu’une lycéenne s’apprête à mettre au propre son devoir, soudain, une brusque coupure d’électricité. La petite crie: « Maman où se trouvent les bougies ! Comme à l’accoutumée, la société nationale de l’électricité n’a pas pris soin d’annoncer cette coupure à ses abonnés du secteur.
Sur la véranda, une bonne femme s’affaire à dénouer là couche de son bébé avec l’aide de l’éclairage d’un téléphone portable VIP. C’est alors qu’en ce moment, dans une terrasse du quartier 20 mai, un jeune homme entame sa deuxième bouteille de bière. Il se rend compte qu’il est dans le noir, les barmaids s’affairent à éclairer le périmètre avec l’aide d’un groupe électrogène de seconde main, il s’en suit alors un véritable tapagé aux oreilles de clients de sa terrasse, la musique est relancée en plein décibel tant soit peu pour surmonter les grondements de cette machine d’origine chinoise. Ce jeune homme doit causer alors à tue-tête avec son ami.
Aux abords de la rivière Kalamu, une maman s’affaire à regrouper ses enfants à la sortie de l’Eglise dans la mesure où ce cours d’eau n’a pas des garde- fous, dans le noir tout peut arriver. Sur un autre flanc de la même rivière, un groupe de jeunes gens s’activent à lancer de pierres à un couple d’amoureux en état d’ébriété. Ils ont eu le malheur de s’amouracher peu avant sous la pleine lune dans la broussaille environnant le stade Tata Raphaël au point de choquer les bonnes mœurs. C’est dans l’obscurité qu’ils détalent sous les hués des badauds et autres curieux en colère à la suite de cet acte. Un des partenaires a laissé même son soutien-gorge sur la branche d’un arbuste souillé. Et tout au long de l’avenue Victoire non loin de la maison communale de Kalamu, les habitants sortent de leurs habitations avec des chaises en plastique à la main justifiant la chaleur suffocante qui gagnent leurs parcelles à la suite de cette coupure d’électricité. Ces paisibles citoyens doivent faire face aux phares de véhiculés qui dérangent quelque peu leur intimité familiale. « On est à Kinshasa, il faut vivre avec ses misères au quotidien... » Lâche un père de famille à son épouse qui fatiguée, doit abandonner son réchaud à deux plaques pour recourir à la braise avec toutes les conséquences dans son maigre budget. Quelques instants après, « Pétrole yango oyo somba limba», les petits vendeurs ambulants de pétrole gagnent les rues de Matonge sous un vacarme de concert des bouteilles pour attirer l’attention des potentiels clients. Des telles scènes sont monnaie courante à Kin, il faut savoir aussi faire face à l’obscurité, aux moustiques et aux prostitués qui aiment les noirs. Et surtout, il faut savoir rentrer de bonne heure de peur d’être surpris par des jeunes délinquants communément appelés Kuluna. D’une part, ces derniers sont retranchés dans les tunnels de Kalamu et autres coins de rue pour extorquer des biens, commettre de forfaits de tout genre et autres coups et blessures sur des paisibles citoyens.
D’autre part, c’est vers 20 heures 30’, que les bana nyoka gagnent les périmètres du stadium YMCA. En ce lieu, c’est la prostitution artisanale parce que le travail de sexe se déroule sans normes. On voit certaines femmes professionnelles du sexe allaitant leurs nourrissons d’une main et sollicitant le sexe dans autre. « Papa okomata mpunda te, eh ! S’exclame un sexagénaire en mal d’amour. II n’avait qu’une maigre somme d’argent dans sa poche. « Likambu te papa na nga ata demi terrain…», l’homme à la calvitie attiré par cette offre alléchante, a fini par perdre son téléphone. Il s’en est rendu compte alors qu’il tirait sa braguette pour continuer sa route. La petite a détalé d’un trait comme une étoile filante dans l’obscurité des rues de Matonge après son sale coup. Malgré cela, certaines personnes souvent à l’état d’ébriété n’hésitent pas à négocier dans l’obscurité aidant une partie de jambes en l’air au prix modique, misère oblige. Ils assument aussi le risque d’attraper le VIH/Sida en toute irresponsabilité.
Coupure d’électricité, Kinshasa ! Un trou noir…
Si certains profitent de l’obscurité pour se verser dans l’immoralité. Dans certains quartiers, d’autres abonnés font appel des équipes d’intervention de la SNEL. Le technicien vient les plus souvent à la pointe de pied escorté par des jeunes surexcités. Celles-ci s’affairent à raccommoder de vieux câbles qui résistent encore au temps. Dans d’autres quartiers, c’est l’article 15, la population se débrouille comme il se peut par des moyens de bord pour faire face à l’obscurité. Des électriciens de quartier, même pas, s’affairent à sauver le meuble avec tous les risques d’une électrocution où d’un incendie. Sans compter dans ce registre des raccordements pirates. Sous ce régime de la misère noire entretenue par des coupures intempestives en fourniture d’électricité et des grondements de groupe électrogène, c’est la coulée douce pour certains compatriotes. Le gros générateur de leur résidence alimente d’une manière instantanée l’énergie électrique. Au dedans de leurs clôtures, ils ont droit à la dolce vita devant leurs téléviseurs. Ils s’envoûtent des caprices de vieux câbles de la SNEL. Toutefois, pour certains, ils ne sont pas à l’abri du mauvais regard de certains voisins envieux. Les yeux de malfaiteurs sont aussi attirés par la lumière qui échappe de leurs résidences. Comme disait un cadre d’entreprise, dans le quartier Yolo, s’il allume son groupe électrogène la nuit. Il se fait qu’il attire tous les voleurs du quartier. Alors, il prend la précaution de l’éteindre aux heures tardives en se privant des certaines émissions divertissements à la télé.
Et pour « ces amoureux en pleins ébats sexuels, ils n’ont que faire de l’électricité », lâche un tenancier d’un hôtel de fortune aux abords de la rivière Kalamu. Alors vive la casse, il continue à s’entrechoquer sous le sifflement d’un lit amorti qui réclame de clous. Et, tout ça à l’étonnement du garçon de chambre à la réception qui se rend compte qu’ils n’ont même pas pris soin de retirer la bougie. A quelques mètres de là, dans un flat de luxe en plein coeur du quartier Kauka soudain la quiétude d’un couple d’expatrié est dérangé par une coupure brutale de fourniture en énergie électrique. Juste, le temps que l’équipe technique redémarre le générateur : Un enfant lâche sa misère : « maman, maman est-ce que c’est la fin du monde ? Surpris de voir tout un quartier sombré dans le noir. A son père, venu pour la première fois en RD Congo, d’ajouter, Jeannette, j’en suis sûr c’est un pusch, je dois appeler les amis de l’Ambassade. A sa femme camerounaise de réagir, Jacques, toi aussi, n’exagère pas, c’est une simple coupure d’électricité d’après ma bonne. Cela arrive souvent un peu partout à Kinshasa. Elle m’a prévenu dès notre arrivée. Contre tout étonnement, à la cuisine la baby sister’s enchaîne dans le noir sa boule de fufu calmement. Comme pour dire à Kinshasa, la coupure de l’électricité n’est pas un événement. C’est plutôt une habitude, aux étrangers de s’intégrer aux réalités locales de la métropole congolaise.
Saint Hervé M’Buy
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